cardères

Tout au long des saisons leurs hautes silhouettes épineuses émaillent le jardin. Tantôt en groupes denses là où les semences de l’année dernière se sont rassemblées, tantôt isolées, perdues dans la végétation, leurs robustes tiges piquantes se repèrent de loin. Ces plantes vigoureuses, que dans le langage courant nous aurions tendance à qualifier de « chardons », sont des cardères (Dipsacus fullonum). Elles doivent leur nom à leur inflorescence allongée, hérissée d’aiguillons crochus, qui était autrefois utilisée pour « carder », c’est à dire peigner la laine.

Sous ses aspects rébarbatifs, la cardère cache bien des secrets…

Tout d’abord sa floraison : contrairement au schéma classique, l’éclosion de ses fleurs ne commence ni par le bas, ni par le haut, mais en plein milieu de l’inflorescence. Puis les petites fleurs roses se succèdent en formant des anneaux symétriquement vers le haut et vers le bas, ce qui donne aux plantes un aspect sans cesse irrégulier.

Une foule de butineurs profite du nectar de ces anneaux sucrés.

Ensuite les feuilles : elles se présentent par paire, opposées, soudées à leur base autour de la tige en formant une petite coupe où s’accumule l’eau de pluie. Ces réservoirs d’eau abreuvent tout un petit monde d’insectes. Paraîtrait même que les oiseaux s’y désaltèrent ; ce qui a valu à la cardère l’appellation populaire de « cabaret aux oiseaux ». Cependant si nombreux sont les insectes qui viennent y boire, nombreux sont aussi ceux qui s’y noient …

Déjà Charles Darwin se demandait si ce réservoir n’était pas en fait un piège afin d’attirer les insectes et si la cardère ne tirait pas profit de ces animaux noyés en les digérant (un peu comme une plante carnivore). Peut être que son intuition s’avèrera fondée ; en tous cas les mécanismes de ce mystère sont en passe d’être éclaircis par les scientifiques…

Restent les fruits : ce sont de petites graines qui demeurent longtemps logées entre les aiguillons (bractées pour nos botanistes) de l’inflorescence sèche. Jusque tard dans l’hiver les oiseaux, et particulièrement les bandes multicolores de chardonnerets, se perchent sur ces hautes tiges à la recherche de ces fruits nourrissants. Et lorsque le givre s’accroche à leur silhouette, les formes gelées des cardères enchantent le paysage.

N’est-il pas fascinant qu’une seule plante, cette cardère, nous raconte tant d’histoires différentes ?

Si bien qu’on ne peut même pas lui en vouloir de se ressemer un peu trop abondamment au jardin…