éphémères printanières

En bas, en plaine, toute la végétation est en fleurs alors que nous venons d’essuyer une tempête hivernale qui a enseveli le jardin sous une épaisse couche de neige. Heureusement ces neiges tardives fondent aussi vite qu’elles sont arrivées. Branches, herbes et fleurs se remettent doucement de ce fardeau blanc et, stoïquement, cherchent à se redresser … certaines n’y arriveront pas, brisées dans leur élan printanier.

Pour les autres, c’est l’heure du grand réveil : Les bourgeons gonflent de jour en jour ; entre les herbes sèches, les feuilles mortes, surgissent des pousses vertes, des éclats de couleur insolites. Echappées des forêts environnantes, les fleurs des sous-bois colonisent les abords du jardin. Elles se dépêchent de fleurir pour absorber un maximum de lumière avant que les arbres ne déploient leur feuillage et les ombrent définitivement. Parmi ces pionnières du printemps, les frêles anémones des bois (Anemone nemorosa) dressent leurs corolles blanches en formant de denses tapis fleuris. Mais en ces heures froides, elles ont beau s’épanouir et offrir leur pollen doré, les butineurs sont encore rares.

Qu’à cela ne tienne ! Les anémones ont trouvé une autre méthode pour se reproduire : pendant la courte période ensoleillée les feuilles des anémones emmagasinent un maximum d’énergie pour nourrir leurs organes souterrains, des espèces de racines à gros bourrelets appelées « rhizomes ». Une fois que la canopée s’est refermée et que l’ombre a gagné les sous-bois, feuilles et fleurs disparaissent ; l’anémone se retire dans ses rhizomes qui vont utiliser toutes ces réserves stockées pour croître lentement sous terre et préparer le prochain printemps.

Une autre fleur éphémère affectionne notre jardin et ses prairies humides, c’est la ficaire (Ranunculus ficaria). Cette petite étoile, d’un jaune étincelant et aux feuilles lustrées, perce la couche d’herbes sèches, scintille un court moment au soleil puis disparaît aussi vite qu’elle est apparue. Elle aura fait ses réserves dans de minuscules tubercules qui eux se multiplieront itou tranquillement sous terre en attendant le prochain avril.

Et puis il y a cette gracile petite fleur d’une incroyable couleur bleue qui constelle le verger, la scille (Scilla bifolia). C’est toujours la même stratégie : une floraison et une feuillaison soutenues pour emmagasiner plein d’énergie le plus rapidement possible et la stocker, cette fois dans un bulbe, avant de disparaître sous terre. Sous nos arbres fruitiers, les scilles se sont multipliées allègrement et forment un tapis d’un bleu intense qui interpelle plus d’un randonneur longeant le jardin.