histoires d’oeufs

Quelques douces journées, un soleil qui réchauffe les eaux de surface et l’étang se met à bruisser de milles vies. Les longues herbes flottantes dressent leurs hampes hors de l’eau et les bestioles aquatiques folâtrent à travers elles comme dans une jungle immergée.

Les grenouilles rousses ont déjà quitté les lieux et laissé derrière elles une quantité d’œufs translucides qui ondoient près de la rive. Agglomérées en grosses grappes, ces délicates billes gélatineuses ponctuées d’un petit œil noir attirent de nombreux gourmets.

Nos petits dragons, les tritons alpestres, sont les premiers à se jeter sur cette toute fraiche manne, bienvenue après de longs mois d’hiver et de disette. Avec leur crête sur leur dos ébène, leurs couleurs ventrales flamboyantes, ils ressemblent vraiment à de petites créatures mythologiques qui hanteraient nos eaux.

Parfois, ils sont toute une meute à s’agglutiner autour de ces œufs et à se goinfrer…et ils ne sont pas les seuls ! Se joignent à eux les larves de libellules et ce gros scarabée plongeur qu’est le dytique. Il leur en faut donc de la chance à ces petites billes pour arriver à survivre et à se développer jusqu’au stade de têtards… ou bien les pertes sont elles déjà prévues dans le nombre considérable de pontes ?

En tous cas, il y a toujours des quantités de petits virgules noires qui émergent au bout de quelques jours puis s’éparpillent dans tout l’étang. Dès les premiers rayons de soleil, elles s’attroupent sur les bords de l’étang, profitant des eaux réchauffées pour continuer leur périlleuse croissance …car de nombreux dangers les guettent encore avant leur vie d’adulte. Cependant d’année en année le nombre de grenouilles dans le jardin ne cesse d’augmenter ; il faut donc croire que l’équilibre entre l’appétit des uns et la survie des autres est bien proportionné !