père et prêles

Il s’en est allé …lui, qui depuis notre plus tendre enfance, nous emmenait à la découverte …sur les sentiers de montagne, des richesses de notre flore ; dans les effleurements rocheux à la recherche des fossiles ; sur la crête bleue à l’escalade des ruines de châteaux. Lui, qui nous initiait aux beautés de tous ces mondes en nous racontant des histoires fabuleuses.

Une de mes histoires préférées parlait de plantes « préhistoriques », de plantes si vieilles qu’elles étaient présentes sur terre bien avant les dinosaures … et qu’elles leur avaient survécu pour arriver jusqu’à nous. Ce sont les familles des mousses, des fougères et des prêles, apparues il y a entre 400 et 300 millions d’années, bien avant les plantes à fleurs que nous avons l’habitude de côtoyer. Elles n’avaient alors pas les mêmes dimensions qu’actuellement, puisqu’elles atteignaient des dizaines de mètres de hauteur et formaient une forêt luxuriante, mais leur structure est restée la même jusqu’à nos jours.

 

Dans mon jardin, j’ai une affection particulière pour ces vestiges d’antan que sont les prêles. J’entends déjà pester les jardiniers face à cette envahisseuse de plates-bandes qu’il est presque impossible d’éradiquer. Mais comment ne pas éprouver un certain respect devant la résistance qu’il a fallu à cette plante pour traverser tous ces temps géologiques et nous parvenir. J’aime beaucoup la silhouette graphique de la prêle d’hiver (Equisetum hyemale). Elle arbore de hautes tiges vertes et raides, fortement striées, dont les articulations sont soulignées d’une pâle gaine dentée à la base cerclée de noire. Elles se terminent par une courte pointe trapue qui porte les spores nécessaires à la reproduction. Leur forme stylisée semble tout droit sortie d’un livre d’art.

La prêle la plus commune (celle qui vous embête dans les plates-bandes) est la prêle des champs (Equisetum arvense). Elle a la particularité de présenter deux types de tiges. Les tiges fertiles, petites, brunâtres apparaissent en premier au printemps et portent l’épi sporangifère. Elles se dessèchent après fructification puis périssent. Sortent alors de terre, des tiges stériles vertes qui ressemblent à de petits sapins, chaque articulation portant de courts rameaux rayonnants.

 

Dans nos forêts humides on trouve aussi la prêle géante (Equisetum telmateia) qui forme souvent des colonies étendues. Ses hautes tiges portent sur leurs articulations de longs et fins rameaux. Lorsque leurs hampes oscillent dans les sous-bois, on peut sans trop de peine s’imaginer l’époque où, atteignant plusieurs mètres de haut, leurs frondaisons abritaient des familles de dinosaures !

Mais il s’en est allé, il ne nous racontera plus d’histoires fabuleuses ………

Mon père est parti arpenter des chemins où nous ne pourrons plus l’accompagner.