primo vere

Primevère …y a t-il nom plus évocateur que celui de « début de printemps » pour cette fleur familière ? Bien que l’hiver soit loin d’être terminé – d’ailleurs a t-il vraiment sévit – les températures clémentes de ces derniers jours trompent plantes et oiseaux, qui se croient déjà au printemps. Ici et là, entre les feuilles desséchées et les herbes fanées, fleurissent des primevères déphasées. Profitons en pour faire un peu de botanique !

Comme nous autres humains aimons pouvoir ranger et classifier, êtres et objets, depuis le 18ème siècle et les travaux d’un certain savant suédois, Monsieur Linné, toutes les plantes sont caractérisées par un nom latin double. En l’occurrence, notre gentille primevère s’appelle « primula veris ». Le premier nom « primula » désigne le genre ; le deuxième nom « veris » qualifie l’espèce. Pour simplifier le propos, on peut dire que le genre est une sorte de groupe dans lequel se retrouvent des plantes ayant une majorité de caractères identiques, mais qui ne peuvent (théoriquement) pas s’interféconder. Quant à l’espèce, elle réunit des individus qui se ressemblent comme deux gouttes d’eau et qui ont la capacité de se reproduire entre eux.

Le genre « primula » ou « primevère » compte une dizaine d’espèces en Suisse dont trois fleurissent dans notre jardin. La plus commune, celle qui s’épanouit en grand nombre dans tous nos prés, c’est la primevère acaule (primula acaulis). Elle pousse au ras du sol et de ses feuilles étalées surgissent des tiges grêles qui portent des fleurs solitaires d’un jaune très pâle. C’est elle que les horticulteurs ont hybridée de façon à obtenir toutes le couleurs possibles, du rose flashy au violet presque noir. Cette forme cultivée hérite alors d’un troisième nom, c’est un nom de variété (ou cultivar) donnée par l’horticulteur qui l’a créée. Il suffit de consulter un catalogue de fleurs pour s’apercevoir qu’en terme de variété l’imagination n’a pas de limite.

Dans le jardin, le long des haies et par petites touffes, on trouve la primevère élevée (primula elatior). Elle s’est échappée des forêts voisines pour coloniser notre terrain. Comme son nom l’indique, ses fleurs sont portées par de hautes tiges et sont regroupées en petites ombelles du même jaune pâle que leurs sœurs acaules. Et puis la dernière, notre fameuse « primula veris » (primevère de printemps), a aussi des fleurs groupées au sommet d’une haute tige mais ses fleurs sont d’un jaune doré avec des touches orangées. Elles ont une odeur suave et sucrée et on en fait une douce tisane pectorale.

Théoriquement les individus de deux espèces différentes ne peuvent pas se reproduire entre eux…. Mais il y a parfois des exceptions et j’ai eu la surprise d’en trouver une, le printemps dernier, au pied du pommier : une primevère à haute tige qui avait récupéré les fleurs colorées d’une primevère acaule !

Comme quoi dans la nature, il n’y a pas de scénario immuable et que rien n’est jamais figé. Les chercheurs tablent d’ailleurs de plus en plus sur ces petits « accidents » pour expliquer l’incroyable dynamique de l’évolution et la richesse de la biodiversité. Démonstration dans le jardin !