traces de nuit

Ces dernières nuits les premières neiges sont tombées, légères, floconneuses, elles ont recouvert le jardin d’un beau manteau blanc et lisse …mais cette douce couverture est loin d’être immaculée. Pendant que la maisonnée sommeille, les habitants nocturnes vaquent, tout autour d’elle, à leurs occupations quotidiennes. Habituellement rares sont les traces de leurs activités que nous retrouvons à notre réveil mais lorsque la neige dissimule le sol, on peut y découvrir d’innombrables pistes. C’est l’histoire de la nuit qu’il s’agit alors de déchiffrer ; identifier les empreintes et essayer d’imaginer ce qui s’est passé ici et là. Le lieu de ralliement est sans conteste l’étang ; vers lui convergent toutes les empreintes, petites et grandes.

Lorsqu’il n’est pas gelé, il sert vraisemblablement à abreuver tout ce petit monde mais lorsqu’une épaisse couche de glace le recouvre, le passage des divers animaux y dessine d’étonnantes arabesques. La trace du renard est facile à reconnaître, il ne supporte pas la ligne droite, tournicote, revient en arrière, puis subitement creuse la neige à la recherche d’un campagnol. Les chevreuils laissent, par paire, de fines marques en forme d’amandes effilées. On les voit avancer précautionneusement une patte après l’autre puis d’un coup en quelques bonds rejoindre la forêt. Et puis il y a toute une ribambelle de traces minuscules, lérots, campagnols, musaraignes, que sais-je, qui émergent entre deux touffes d’herbes et disparaissent tout aussi abruptement.

Dès l’aube c’est le règne des oiseaux ; ils s’attroupent près des mangeoires, s’égaient dans les haies portant les derniers fruits gelés et se baladent sur l’immensité blanche. Mésanges, pinsons, merles et autres passereaux laissent de minuscules empreintes étoilées qui, à force de se croiser, forment sur la surface neigeuse un fin patchwork de signes occultes. Les oiseaux plus lourds quant à eux, corneilles, pies ou geais impriment profondément le dessin de leurs pattes dans la couche neigeuse.

Les flocons gardent parfois aussi en mémoire de petits instants magiques comme cet atterrissage, ailes déployées, d’un oiseau. Ce sont tous ces instants éphémères dont nous retrouvons, au petit matin, les vestiges inscrits dans le blanc manteau du jardin.